Ils n'ont pas eu à chercher loin : Aste-Béon se trouve dans le périmètre de la réserve naturelle nationale de la vallée d'Ossau, sanctuaire de la plus grande colonie française de vautours fauves.
Et il est passé le temps où, dans les années 60-70, ce vautour, persécuté comme un oiseau de malheur, était menacé de disparition.
Il y avait en 2007 dans les seules Pyrénées françaises près de 600 couples de ce remarquable planeur de plus de deux mètres d'envergure, à la tête couverte de duvet blanc, à la collerette blanchâtre, au plumage fauve qui lui vaut son nom.
C'est donc naturellement que les quatorze éleveurs du groupement pastoral d'Aste-Béon ont pensé au volatile nécrophage, qui se nourrit presque exclusivement de cadavres, pour se faciliter la tâche.
Avec la commune, l'Etat et le parc national des Pyrénées, ils viennent d'installer une "placette d'équarrissage", un enclos où déposer leurs bêtes mortes. Un grillage de deux mètres de haut soutenu par des pieux empêchera d'autres opportunistes que le vautour de venir se servir.
En l'absence d'un tel emplacement, les éleveurs sont tenus par la réglementation de faire enlever leur bétail mort.
Cela "peut prendre plusieurs jours s'ils (les équarrisseurs) ne sont pas dans la vallée" dit Patrick Pujalet, président du groupement pastoral. La première usine d'équarrissage est à Agen, à presque trois cents kilomètres et trois heures de route.
La nouvelle placette, elle, est à un quart d'heure. Et les vautours ne sont pas très loin. "Juste au-dessus", dit le maire Augustin Médevielle, en parlant des falaises et éboulis calcaires qui surplombent la vallée et où nichent les vautours.
Sans placette, "on fait 250 kilomètres avec un camion pour venir chercher la brebis morte, on va la faire cramer avec du pétrole alors qu'aujourd'hui, on est aux économies d'énergie, et cette même brebis, donnée aux vautours, en un quart d'heure il ne reste plus rien, et gratuitement" dit le maire.
Le vautour fauve accomplira le gros de la tâche ; les deux autres nécrophages volants présents, le vautour percnoptère et le gypaète barbu, beaucoup plus rares, pourront achever le travail.
Le vautour a la particularité de constituer un "cul-de-sac épidémiologique", disent les spécialistes. L'extrême acidité de son estomac tue les éléments pathogènes qu'un dépôt sauvage de carcasse répandrait dans la nature.
Il ne s'agit surtout pas de nourrir les vautours, insistent tous les partenaires. Ils sont certes protégés, mais ils n'ont plus besoin de ces charniers qu'on mettait autrefois en place pour augmenter leur population. Aucune carcasse ne sera déposée dans la placette en mai pour ne pas donner de mauvaises habitudes aux petits dans leur période de nourrissage.
Il s'agit plutôt de restaurer un lien naturel entre deux utilisateurs de la montagne depuis des temps immémoriaux : le berger et le vautour, explique en substance le sous-préfet, Jean-Michel Delvert.
C'est à ce même titre que des placettes d'équarrissage ont été maintenues dans les Cévennes par exemple, où elles avaient été initialement installées pour alimenter le vautour lors de sa réintroduction après avoir complètement disparu des Grands Causses.
Dans un massif pyrénéen où les éleveurs ont du mal à cohabiter avec l'ours, la coexistence n'a pas toujours été facile avec le vautour. Le président du groupement pastoral d'Aste-Béon se rappelle que, quand les charniers à ciel ouvert ont été fermés à cause de la maladie de la vache folle du côté espagnol de la frontière, des vautours ont pu venir s'en prendre de ce côté-ci à des bêtes affaiblies. Il est favorable à cette relation entre le berger et le vautour, pour autant que les effectifs du vautour n'augmentent pas.
Le sous-préfet évoque un "ressenti", aussi parce que le vautour, de plus en plus familier de l'homme, se rapproche des exploitations.
La placette d'Aste-Béon sera expérimentale pendant un an. Mais on est là, dit Philippe Serre, de la Ligue pour la protection des oiseaux, devant "un exemple flagrant du bénéfice induit de la présence du vautour" et c'est "gagnant-gagnant pour l'éleveur".
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