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L'Atlantide et Platon

LAtlantide-et-Platon

Timée

Ecoutez, Socrate, un récit très-peu vraisemblable, et cependant très-vrai, comme Solon, le plus sage des sept Sages, disait autrefois.
Celui-ci était parent et intime ami de Dropidas, notre bisaïeul, comme il l'assure lui-même dans plusieurs endroits de son Poème ;
Et c'est lui qui dit à Critias, notre grand-père, ainsi que ce vieillard nous l'a rapporté, que les Athéniens avaient fait de grandes et merveilleuses actions, qui, par la longueur du temps et la destruction des hommes sont tombées dans l'oubli...
Je vous raconterai cette ancienne histoire que j'ai entendue moi-même, et qui ne vient pas d'un jeune homme.
Critias, comme il le dit lui-même, était alors déjà âgé de près de quatre-vingt-dix ans, pendant que je n'en avais que dix...
Il y a dans l'Egypte un Nome, appelé Saïtique, situé dans le Delta, à l'endroit où le Nil commence à se diviser.
La plus grande ville de ce Nome était nommée Saïs. Le roi Amasis en tirait son origine.
La divinité protectrice de cette ville, s'appelle Neïth en Egyptien, ce que les Grecs ont rendu par Athené (Minerve).
Par cette raison les peuples de cette ville aiment encore beaucoup les Athéniens, et se disent même en être parens.
Aussi Solon rapporte-t-il que dans son voyage il avait été comblé par ces habitants.
Il s'entretenait quelquefois avec eux sur des événements anciens, et il discourait surtout avec les Prêtres qui étaient les personnes les plus instruites parmi eux.
Il s'aperçut pour lors, que ni lui ni aucun autre Grec ne savait, comme on a coutume de dire, rien du tout à cet égard...
Un jour un des plus anciens Prêtres lui adressa la parole et lui dit : « O Solon, Solon, vous autres Grecs vous êtes toujours enfans ; il n'y a pas un Grec vieillard... »
Car vous êtes tous des novices pour ce qui regarde l'antiquité, et vous ignorez tout ce qui s'est passé anciennement, soit ici, soit chez vous...
Vous ne savez pas quelle était dans votre pays la plus belle et la meilleure génération d'hommes qui ait jamais existé, et de laquelle il n'est échappé qu'une faible semence, dont vous êtes les descendants...
Je veux, ô Solon, sans vous rien dissimuler, vous raconter tous ces événements, pour l'amour de vous,et surtout pour l'amour de cette Déesse qui eut votre ville et la nôtre en partage, qui a nourri et instruit l'une et l'autre, et même la vôtre pendant mille ans, en vous formant de la Terre et de Vulcain, ainsi que nous.
Tout ce qui s'est passé dans notre Gouvernement, depuis huit mille ans, est écrit dans nos Livres sacrés ; mais je vous exposerai en abrégé ce qui est arrivé à ces Citoyens pendant neuf mille ans, ainsi que leurs lois et leurs actions les plus éclatantes...
Nos écrits rapportent comment votre République a résisté aux efforts d'une grande puissance, qui, sortie de la mer Atlantique, avait injustement envahi toute l'Europe et l'Asie, car pour lors cette mer était guéable.
Sur ses bords était une isle, vis-à-vis de l'embouchure, que dans votre langue vous nommez Colonnes d'Hercule.
Cette isle était plus étendue que la Lybie et l'Asie ensemble.
De là les voyageurs pouvaient passer à d'autres isles, desquelles on pouvait se rendre dans tout le Continent situé à l'opposite et sur les bords de la mer, qui proprement est appelée Pontus.
Quant au côté qui est au-dedans de l'embouchure dont nous parlons, il y a un port dont l'entrée est fort étroite.
Là est la mer qui proprement est appelée Pelagus ; et la terre qui de tous côtés l'environne réellement est justement appelée Continent.
Dans cette isle Atlantide, il y avait des Rois dont la puissance était très-grande.
Elle s'étendait sur cette isle ainsi que sur beaucoup d'autres isles et parties du Continent.
Ils régnaient en outre, d'une part, sur tous les pays du côté de la Lybie jusqu'en Egypte, et de l'autre, savoir du côté de l'Europe, jusqu'à Tyrrhénia.
Ces forces réunies ont tenté de soumettre votre pays, le nôtre et toutes les Provinces qui se trouvent en-deçà de ladite embouchure.
Alors, ô Solon, la puissance de votre République acquit une réputation de force et de vertu supérieure à celle de tous les autres mortels.
Car en surpassant toutes les autres en génie et dans l'art militaire, elle commandait à une partie des Grecs, tandis que forcés de se retirer, les autres l'avaient abandonnée.
Mais quoique réduite à une pareille extrémité, elle triompha cependant de ses agresseurs, et en érigea des trophées ; elle garantit de la servitude ceux qui en étaient menacés.
Et quant à nous autres qui demeurons au-dedans des frontières d'Hercule, elle nous rendit à tous le salut et la liberté.

Critias (ou l'Atlantide)

Il faut avant tout nous rappeler qu'il y a neuf mille ans depuis le temps qu'il s'est élevé une guerre entre ceux qui demeuraient au-dessus et hors des Colonnes d'Hercule, et tous ceux qui habitent les pays en-deça.
On dit que notre République avait le commandement sur ces derniers, et qu'elle conduisait toute la guerre.
Les autres étaient gouvernés par les Rois de l'isle Atlantide, que nous avons déjà dit avoir été plus étendue que la Lybie et l'Asie, et que maintenant c'était un limon impraticable, produit par les tremblements de terre.
De manière que ceux qui voudraient le traverser en venant d'ici pour se rendre dans la mer appelée Pelagus, en seraient empêchés par des obstacles invincibles...
Les Dieux avaient autrefois partagé la terre entr'eux...
Vulcain et Minerve étant de même nature, sortant d'un même Père et ayant les mêmes inclinations pour les sciences et pour les arts, ont eu aussi la même portion en partage, savoir cette contrée, qui par sa nature est le siège de la vertu et de la sagesse, et qui est faite pour elles.
Ayant donc rendu gens de biens les habitants qui y étaient nés, ils leur ont inspiré la forme de gouvernement de cette République.
Les noms de ces hommes ont été conservés ; mais la mémoire de leurs actions a péri par la destruction de ceux à qui elle avait été transmise et par la longueur du temps...
Je vous dis ceci, en observant que Solon a rapporté, que les Prêtres, en lui racontant l'histoire de cette guerre, et en parlant de ceux qui en étaient les chefs, leur donnaient les noms de Cécrops, d'Erechthée, d'Erichthonius, d'Ericsichthon, et de la plupart de ceux que l'Histoire rapporte avoir vécu avant Thésée. Les noms des femmes de ce temps étaient également les mêmes.
Maintenant je vais vous exposer quel a été au commencement l'état de ceux contre qui ils ont fait la guerre, si la mémoire ne me trompe pas sur des faits que j'ai entendus dans ma grande jeunesse ; afin que vous, comme mes amis, le sachiez aussi.
Mais avant que d'entrer en matière, il faut en peu de mots vous donner un avertissement, afin que quand vous entendrez souvent nommer ces étrangers par des noms Grecs, vous n'en soyez point étonnés ; car vous allez en savoir la raison.
Solon ayant voulu employer ce récit dans son Poème, et recherchant le sens littéral des noms, a trouvé que ces premiers Egyptiens qui ont écrit cette histoire, les avaient traduits dans leur langue.
Lui donc, en prenant à son tour le sens littéral de chacun d'eux, les a tous traduits dans notre idiome.
Ces écrits étaient autrefois, chez mon grand-père, maintenant ils sont chez moi, et je les ai lus dans mon enfance.
Si donc vous entendez les mêmes noms comme les nôtres, n'en soyez point surpris ; car je viens de vous en dire la raison.
Or, il y aurait à faire un discours bien long, s'il fallait remonter jusqu'à l'origine, pour vous rapporter ce que j'ai déjà dit au sujet du partage que les Dieux ont fait entr'eux de la terre, en donnant aux uns de grands districts, à d'autres de moindres, et en instituant leur culte.
L'Isle Atlantide étant donc tombée en partage à Neptune, il y établit les enfants qu'il avait eus d'une femme mortelle, et il les fixa dans un certain canton de l'Isle.
Environ vers le milieu de l'Isle du côté de la mer, il y avait une plaine qui, à ce qu'on dit, était le canton le plus beau et le plus fertile.
Proche de cette plaine, encore vers le milieu, et à la distance d'environ cinquante stades, il y avait une petite montagne.
Elle était habitée par un de ces hommes qui dès le commencement avaient été formés de la terre. Evénor était son nom : sa femme s'appelait Leucippe.
Et ils avaient une fille unique qui portait le nom de Clito ; celle-ci étant devenue nubile, son père et sa mère moururent.
Alors Neptune s'étant senti de l'inclination pour elle, la prit pour femme.
Il entoura la colline qu'elle habitait d'une bonne circonvallation, en traçant autour d'elle différens fossés et élévations de terre grandes et moindres alternativement ; savoir : deux élévations de terre, et trois fossés d'eau.
Lesquels formaient des espèces de cercles dont cet endroit était le centre, afin de le rendre inaccessible aux hommes.
Car il n'y avait point encore de navires pour lors, et l'on ignorait l'art de s'en servir.
Et comme Dieu, il orna sans peine la place enfermée dans cette enceinte.
Il y fit jaillir de dessous terre deux sources d'eau, dont l'une était chaude et l'autre froide.
Il y fit aussi produire à la terre des fruits de différentes espèces et en grande quantité.
Et il y éleva cinq couples d'enfans mâles jumeaux qui étaient nés de lui.
Alors il divisa toute l'Isle Atlantide en dix parties.
Et il donna à l'aîné de ses enfans la demeure maternelle avec le canton d'alentour, lequel était le plus grand et le meilleur de tous.
Il le nomma Roi des autres, et il appela ceux-ci Archontes.
Il donna à chacun d'eux l'empire sur un grand district et sur un grand nombre d'habitans.
Il imposa aussi des noms à tous. A l'aîné, c'est-à-dire au chef, il donna un nom, duquel par la suite l'Isle et la mer furent appelées Atlantiques ; car le nom de ce premier Roi était Atlas.
A son frère jumeau il donna le nom d'Eumélus, en Grec, mais dans la Langue du pays, Gadirus. Ce frère eut en partage une des extrémités de l'Isle, savoir, celle qui est située vers les Colonnes d'Hercule, et dans la contrée, qui de nos jours est appelée Gadirica d'après le nom de son possesseur.
Des seconds jumeaux qui naquirent, il appela le premier Amphérès, et l'autre Eudaemon.
Des troisièmes, l'aîné fut appelé Mnéseus, et l'autre eut le nom d'Autochthon.
Le premier des quatrièmes eut le nom d'Elasippus, et le second celui de Mestor.
Des cinquièmes le premier fut nommé Azaès, et le second Diaprepès.
Or, tous ces fils ainsi que leurs descendants ont demeuré pendant un grand nombre de générations dans ce pays, et on régné sur beaucoup d'autres isles situées le long de la mer, comme il a déjà été dit, de manière que leur puissance s'étendait sur tous les pays situés entre l'Egypte et la Tyrrhénia.
La famille d'Atlas s'acquit pendant long-temps une grande gloire.
Le plus ancien régnait et transmettait toujours le royaume à l'aîné de la famille ; et de cette manière ils ont conservé la royauté pendant beaucoup de générations. Ils ont aussi amassé des richesses si grandes, que pas un Prince n'en eut de semblables avant eux, et que probablement aucun n'en aura de pareilles par la suite.
Ils avaient à leur disposition toutes les choses nécessaires, qu'on a coutume de fabriquer dans les villes, ou que l'on fait venir des autres pays.
Plusieurs choses leur arrivaient au commencement du dehors ; mais quant à celles qui sont nécessaires à la vie, l'Isle leur en offrait la plupart.
D'abord ils avaient en plusieurs endroits de l'Isle toutes les productions des mines, soit solides, soit fusibles, et surtout l'orichalque, métal que l'on ne connaît plus aujourd'hui que par le nom, mais qui chez eux était très-connu, très-abondant, et ce qu'il y avait de plus précieux après l'or.
Les forêts produisaient abondamment toutes sortes de bois de construction.
La terre nourrissait une très-grande quantité d'animaux tant domestiques que sauvages. Il y avait même un grand nombre d'éléphans.
Car tous les animaux, tant ceux qui vivent dans les marais, les lacs et les plaines, y trouvaient une ample nourriture, même l'animal le plus grand et le plus vorace.
Elle rapportait en outre et nourrissait très-bien tout ce que la terre partout ailleurs produit aujourd'hui d'odoriférant, soit racines, herbes, bois, liqueurs, sucs, fleurs ou fruits.
Il y avait également ce fruit doux qu'on fait sécher et qui nous sert d'aliment, de même que ceux que nous mangeons avec le pain et que nous comprenons sous le nom général de légumes, ainsi que ceux que les arbres nous offrent pour nourriture, pour breuvage ou pour oindre ; les noix de toute espèce qui, pour être bonnes et agréables, sont difficiles à garder ; les fruits qui servent à exciter l'appétit ou à recréer agréablement les malades.
Toutes ces choses se trouvaient alors dans cette Isle sainte, belle, merveilleuse et extrêmement abondante.
Or, les habitants de cet endroit se servaient de ces productions pour construire des Temples, des Maisons Royales, des Ports, des Chantiers et d'autres établissements dans l'ordre suivant.
Ils avaient d'abord un Pont sur les canaux, remplis d'eau de la mer, qui environnaient l'ancienne Capitale, pour pouvoir se rendre de là dans les bâtimens Royaux.
Dès le commencement ils avaient construit la résidence Royale dans cette ancienne demeure de la Divinité et de leurs Ancêtres.
Mais dans la suite se succédant les uns aux autres, chacun ajoutait un nouvel embellissement à ceux qu'il avait trouvés, de manière que ce bâtiment devint un prodige de grandeur et de beauté.
Car ils avaient creusé un fossé depuis la mer jusqu'à l'enceinte extérieure de la Ville, lequel avait trois plèthres en largeur, cent pieds de profondeur, et cinquante stades de longueur...
Au milieu du Château était un Temple consacré à clito et à Neptune, inaccessible au vulgaire, revêtu d'une couverture d'or, et situé au même endroit, accessible autrefois, où les dix Chefs de la famille Royale avaient reçu le jour.
Là ils s'assemblaient aussi tous les ans pour offrir chacun des sacrifices.
Ce Temple de Neptune avait un stade en longueur et trois plèthres en largeur ; son élévation était proportionnée à cette étendue ; mais sa figure était d'un goût étranger.
Toutes les parties extérieures du Temple étaient argentées, excepté les sommets ; ceux-ci étaient couverts d'or.
Pour ce qui regarde l'intérieur, les voûtes en étaient d'ivoire ciselé, et couvertes d'or, d'argent et d'orichalque ; le reste, savoir les parois, les colonnes et le pavé étaient revêtus d'orichalque.
Ils y avaient aussi placé des Statues d'or.
Ils y avaient représenté la Divinité, se tenant debout sur un char, attelé de six chevaux aîlés, et d'une hauteur si grande, que la figure touchait à la voûte de l'édifice.
A l'entour du Dieu il y avait cent Néréïdes, assises sur des Dauphins. Car alors on croyait que c'était là leur nombre.
Il y avait en outre plusieurs autres images consacrées par des particuliers.
A l'entour de l'édifice au dehors on avait placé les images des femmes et de tous les Rois descendus des dix Chefs, toutes fabriquées d'or, ainsi que beaucoup d'autres présens considérables tant des Rois que des particuliers, soit de la Ville même, soit d'ailleurs.
Il y avait aussi là un Autel d'une grandeur et d'une structure proportionnées au reste.
Les bâtimens Royaux étaient également conformes à la grandeur de l'Empire, et répondaient à la magnificence du Temple.
Ils avaient aussi des sources abondantes d'eau chaude et d'eau froide qui ne tarissaient jamais, et qui servaient également à l'agrément et à la santé.aux environs de ces sources on avait construit des bâtimens et des allées d'arbres pour l'ornement des bains, et on y avait établi des réservoirs pour des bains en plein air, et d'autres sous des toits pour l'hiver.
Les bains des Rois étaient séparés de ceux des particuliers ; les femmes en avaient aussi de particuliers pour elles, de même que les chevaux et d'autres animaux, comme l'ordre l'exigeait.
Pour l'écoulement des eaux on avait pratiqué un Canal qui conduisait dans le bois consacré à Neptune. Ce bois était rempli d'arbres de toute espèce, et l'excellence du terrain les avait rendus si beaux et si grands, qu'ils offraient quelque chose de divin.
De là cette eau passait au moyen des aqueducs et des ponts dans les enceintes extérieures, où il y avait beaucoup de gymnases pour les hommes et pour les chevaux, alternativement dans les isles formées par les fossés.
Au reste et dans le centre de la plus grande de ces Isles ils avaient construit un Hippodrome de la largeur d'un stade et de la longueur de tout le cercle pour des combats de Cavalerie ; et des deux côtés ils avaient bâti des logemens pour les Gardes du Roi. Mais les plus affidés de ceux-ci étaient logés dans la plus petite enceinte, et proche du Château, dont la garde leur était confiée...
Nous venons de rapporter de mémoire à peu près tout ce qui avait été dit anciennement concernant la Ville et l'ancienne demeure...
Maintenant nous allons tâcher de donner également une idée du reste de pays et de son arrangement.
On rapporte qu'au commencement tout le pays avait été très-élevé et escarpé du côté de la mer. Mais qu'autour de la Ville il y avait eu une petite plaine, laquelle était environnée de montagnes qui formaient une pente douce et aisée jusques à la mer.
Toute la longueur, d'une extrémité à l'autre, était de trois mille stades ; mais en mesurant du milieu depuis la mer jusqu'en haut, il y avait deux milles stades.
Tout le territoire de l'Isle s'étendait vers le Sud, et du côté du Nord il était bordé par des montagnes. On ajoute que ces montagnes surpassaient toutes celles d'aujourd'hui en quantité, en grandeur et en beauté.
Elles étaient couvertes de nombre de villages et d'habitations très-riches.
Elles abondaient en rivières, en lacs, en prairies, qui fournissaient une ample nourriture aux animaux domestiques et sauvages. Il y avait des forêts qui produisaient abondamment toutes les espèces de bois propres pour toutes sortes d'ouvrages. De cette manière la surface du pays avait été formée par la nature et disposée par beaucoup de Rois pendant une longue suite de temps.
La figure était un quarré assez régulier, mais oblong. Ce qui y manquait était causé par les détours du canal qui y avait été construit, et dont la profondeur, la largeur et la longueur étaient telles qu'on ne pouvait croire qu'il eût été fait de mains d'hommes...
Pour ce qui regarde les dignités principales, voici l'ordre qui y avait été établi au commencement.
Tous les dix Chefs régnaient chacun dans son district et dans sa ville sur ses sujets et selon ses lois, punissant même de mort celui qu'il voulait.
Cette communauté d'empire entre eux était établie en conséquence d'un ordre précis de Neptune, que la Loi leur imposait. Cette Loi avait été gravée par les premiers sur une colonne d'airain, placée dans le Temple de Neptune, qui était au centre de l'Isle.
Là ils s'assemblaient alternativement tous les cinq et les six ans, ayant les mêmes égards pour le nombre pair et impair.
Assemblés, ils délibéraient des affaires publiques, ils s'informaient si quelqu'un avait transgressé la Loi, et ils jugeaient en conséquence.
Avant de prononcer, ils se donnaient mutuellement la foi de la manière suivante.
Ils lâchaient d'abord des taureaux en liberté dans le Temple de Neptune, et n'y restant qu'eux dix, ils priaient le Dieu d'agréer la victime qu'ils allaient prendre sans employer le fer ; et alors ils s'emparaient de la victime avec des bâtons et des cordeaux.
Quand ils avaient pris un taureau, ils le conduisaient à la pointe de la Colonne, et là ils l'immolaient selon qu'il était écrit.
Or, il y avait sur cette Colonne, outre la Loi susdite, un serment avec des imprécations contre ceux qui désobéissaient.
Après donc avoir immolé, selon leur Loi, et sanctifié les membres du taureau, ils remplissaient un vase du sang du taureau, en versaient une goutte sur chacun d'eux, et après avoir jeté tout le reste au feu, ils nettoyaient la Colonne partout.
Ensuite ils puisaient du sang du vase avec des phioles d'or, le jetaient dans le feu, et juraient qu'ils jugeraient selon la Loi écrite sur la Colonne ; qu'ils puniraient celui qui le premier la transgresserait ; qu'eux-mêmes n'enfreindraient volontairement aucune des lois écrites ; qu'ils n'ordonneraient rien qui fût contraire à la Loi de leur père, ni n'obéiraient à celui qui leur commanderait de les transgresser.
Chacun ayant ainsi fait des imprécations sur soi-même et sur sa famille, buvait de la phiole ; et l'ayant déposée dans le Temple du Dieu, il s'en allait ensuite pour prendre le repas et vaquer à ses affaires...
Telle est la puissance qui était alors en ces lieux, et que Dieu, dans un certain ordre par lui établi, a ramenée ici de la manière suivante, à ce que l'on dit.
Pendant beaucoup de générations, et pendant tout le temps que la nature divine était efficace en eux, ils obéirent aux lois, et ils s'attachèrent sagement à ce qui leur était inné de divin : car ils n'avaient que des pensées vaines et élevées ; et ils se préparaient avec modestie et avec prudence à tous les événements de la fortune.
En méprisant ainsi tout, excepté la vertu, ils regardaient les choses présentes comme frivoles. Loin de s'enfler par la possession de l'or, de l'argent et des autres choses précieuses, ils les regardaient plutôt comme un pesant fardeau.
Ils ne s'enivraient point de l'abondance de ces délices, et ce breuvage ne les rendit ni furieux ni insolens.
Mais sobres et prudens, ils remarquaient que toutes ces choses augmentaient chez eux par leur amitié commune et leur vertu ; et qu'au contraire, en les recherchant avec trop d'empressement et trop de passion, et en leur attribuant un trop grand prix, elles diminuaient et se flétrissaient d'elles-mêmes ; que les admirateurs de ces choses périssables périssaient avec elles ; tandis que par la même raison ils eurent en abondance tout ce dont nous venons de parler, tant que la nature divine agissait avec eux.
Mais la partie divine ayant été opprimée en eux par les passions, elle y devint faible et languissante, l'homme prévalut, et ne pouvant plus supporter leur état présent, ils succombèrent honteusement. Ceux qui voyaient juste observaient alors qu'ils avaient perdu le plus précieux de leurs avantages ; tandis que ceux qui ne connaissaient pas la vie qui conduit à la véritable félicité, les estimaient plus parfaits et plus heureux à mesure qu'ils accumulaient des richesses injustes et qu'ils augmentaient en pouvoir.
Mais Jupiter, le Dieu des dieux, vengeur et gardien des lois par lesquelles il règne sur les hommes, et qui voit tout ce qui se passe, observa la dépravation de ces hommes autrefois si illustres, et voulant leur en faire subir le châtiment, afin de les faire rentrer en eux-mêmes, et les rendre plus modestes, convoqua tous les Dieux dans leur plus magnifique demeure, de laquelle, comme établie dans le milieu de l'univers, il contemple toutes les générations, et les ayant assemblés...

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