Que n'a-t-on pas dit, que n'a-t-on pas fait au nom de ce principe essentiel de la vie ! C'est une force sans commune mesure avec toutes celles qui appartiennent au plan de la nature et de la création. En fait, pour avoir une parfaite compréhension de l'amour, à tous les degrés de sa manifestation, il doit être confondu avec la volonté divine, sa source étant tellement au-delà de l'être vivant.
L'amour est la présence de l'énergie agissante de Dieu dans sa créature qui n'est que la projection du Tout dans sa propre conscience.
Par cette explication de l'origine de l'amour, l'on se rend compte que celui qui s'emploie à mésuser de l'amour, plonge ses attaques jusque dans le cœur de Dieu. Il ne saurait en retirer que des souffrances qui, tôt ou tard, rejailliront sur sa propre existence.
Cette dualité Dieu-créature signifie clairement que l'amour est le principe prépondérant qui maintient le créé en état d'harmonieuse cohésion. L'Homme doit de vivre à l'existence, dans son être spirituel, de cette énergie divine qualifiée d'amour. Il n'y a que Dieu qui puisse se permettre de diffuser l'amour dans Ses créatures. Seul le Tout est capable de se donner entièrement à son œuvre en se fractionnant en myriades d'étincelles de vie.
Parmi tous les êtres vivants qui s'expriment dans les différents règnes, l'Homme fait partie du premier règne dans lequel la réflexion du Tout prend conscience de son retour dans le sein de Dieu. L'Homme apprend à expérimenter la conscience de l'amour de Dieu. Ce n'est sans doute pas de tout repos pour l'Homme, habitué qu'il est à se soumettre à la matière au lieu de faire confiance à son Créateur.
Dieu règne présent dans Sa création par la puissance de Son amour. Et ce serait se dire orgueilleusement son égal que de croire l'Homme une source d'amour. Il ne peut que faire semblant, c'est-à-dire qu'imiter son créateur, car l'amour ne résulte pas de l'être vivant. L'amour est un acte de Dieu. L'Homme n'agit pas avec amour. Cela est hors de ses capacités à cause de son corps constitué de matière organisée en vertu des lois naturelles mais non divines. Tout au plus peut-il être un intermédiaire, un catalyseur de l'amour de Dieu... bien que celui qui parvient à rayonner un tel amour doive plutôt s'assimiler à un transformateur vivant qui abaisse la fréquence vibratoire, beaucoup trop élevée de l'amour divin, au plan objectif de la création.
Il est rare de rencontrer un être tout amour. Même ceux qui font don de leur personne, et qui vouent leur existence à un service humanitaire, par exemple, n'entrent pas dans cette catégorie. Mieux encore, même ceux qui, au péril de leur vie, sauvent quelqu'un qui se noie ou qui tente de se suicider, ne sont pas des êtres tout amour. En analysant les raisons profondes qui ont motivé cet acte de bravoure, il se découvre toujours une expérience nouvelle qui doit être apprise de cette façon à des fins d'évolution personnelle. Ou bien, ce qui revient à peu près au même, comme c'est le souvent le cas, leurs gestes expriment la conséquence inéluctable d'actions passées : c'est la réaction du karma.
Ce flux d'amour divin, qui s'épanche hors de l'être emportant dans son courant de vie toutes les pensées qui devraient pourtant l'expliquer, a très bien été décrit dans cet extrait :
"Lorsque vous aimez, que cela s'accompagne ou non de pensée, quelque chose de bien différent se produit ; un courant indescriptible s'extravase hors de vous. Une fraîcheur vivifiante, une force enveloppante, une chaleur protectrice, une luminosité invisible, un courant apaisant, une allégresse communicative... L'amour est un flux inexprimable et silencieux qui coule au travers de l'Homme."
L'expérience de l'amour divin modifie les sentiments de l'être. Il devient plus tolérant, d'une part, envers tous ceux qui n'ont pas encore eu le privilège d'en apprécier l'extase, d'autre part, et surtout, il devient lui-même un compatissant. Il laisse resplendir d'un rayonnement total la lumière de son cœur pour le bénéfice de tous les êtres, pareil au soleil qui réchauffe et illumine tous les individus, bons et méchants.
La compassion, lorsqu'elle a été mûrie jusqu'à un tel degré de pureté, dépasse largement en intensité ce sentiment, passif et statique, par lequel on est touché, attendri des maux d'autrui. C'est une compassion dynamique qui s'épanche sur autrui par une communication silencieuse qui émane de sa seule présence. Repensez au transformateur de l'amour de Dieu dont il est un vivant exemple pour ceux qui se comparent à un tel saint Homme. Il est l'expression de la sagesse divine que révèle une âme illuminée de l'amour divin qui réside en elle depuis le commencement des temps.
Aucune discrimination ne vient entraver le libre cours de l'amour. Un compatissant sait comment renforcer volontairement l'extériorisation de l'amour divin pour se donner à tous les êtres qui attendent au seuil de la sagesse et de l'amour. Il n'a besoin que de rester lui-même, c'est-à-dire qu'il doit laisser son âme, qui est l'œil et le cœur de Dieu, se fondre dans ses créatures.
Devenir le canal de l'amour divin est un privilège susceptible de se présenter à la porte de celui qui en est digne. Les conditions sont minimes ; il suffit de le vouloir et de se laisser aller à la volonté divine. Ce consentement volontaire doit être l'aboutissement d'une préparation effective pendant l'existence dont le cours s'oriente résolument vers la pratique du bien.
On se rend compte que l'on devient prêt lorsqu'une certaine expérience mystique vient modifier, parfois transformer profondément les habitudes journalières de l'existence. L'impulsion qui déclenche le flash lumineux dans le cœur et dans la conscience, semble être consécutive à une coïncidence extraordinaire pour celui qui le vit. Pourtant, cet événement n'est qu'une preuve de son progrès personnel. Il démontre que l'effort réalisé jusque là a vraiment purifié son cœur puisque la vie future s'y révèle.
Généralement, une telle préparation s'est effectuée d'une façon progressive, et souvent subconsciemment. Différents degrés marquent cette ouverture du cœur. Alors que les dernières étapes qualifient le Réalisé qui rayonne silencieusement l'amour de Dieu, les premières résultent souvent de la puissance de la parole pour les initiés qui se sont engagés sur le sentier de la compassion.
Je me rappelle une expérience déjà ancienne, émouvante pour moi. Elle a contribué à m'impressionner favorablement, au point que je me suis senti suffisamment concerné pour m'engager sur le sentier de la réalisation compatissante. Avant de la transcrire ici, essayons de comprendre comment les mots peuvent aider, en tant que symboles actifs, à déclencher des prises de conscience de plus en plus révélatrices de la Réalité. Nous nous pencherons sur l'aide beaucoup plus énergique et profonde qu'apportent les paroles de vie ou les mantras.
La puissance des mots
Les mots possèdent tous une signification pénétrante. Sans doute à cause d'une certaine résonance psychique. Parfois, ils émeuvent ; parfois aussi, ils sonnent creux, comme si le message qu'ils transportent se repoussait à la suite de quelque magie.
Mais il arrive également que des mots déclenchent dans le tréfonds de l'âme cette fameuse prise de conscience transcendante du mot lui-même ou de l'objet qu'il désigne, de sa faculté ou de ses caractéristiques psychologiques ; ou bien, c'est un mode d'existence, jusqu'alors ignoré, sinon inexpliqué, qui est suggéré et, plus rarement encore, c'est une connaissance nouvelle pour soi-même qui s'imprime pour l'éternité dans la mémoire existentielle.
De tels mots ouvrent réellement un champ de conscience nouveau. Ils font découvrir l'espace intérieur dont les Anciens préparaient sa venue lors de l'initiation du néophyte. C'est le troisième sens, le secret, le mystique qui ne peut être perçu que par une conscience claire et pure.
Les symboles ne sont pas tous identiquement assimilés par les Hommes. Certains déclenchent dans l'esprit une sorte de vérité généralisée, qui peut même parfois être opposée à celle communément admise. Toutefois, pour en arriver à ce stade-là, l'être s'est longtemps efforcé, d'abord à admettre son imperfection (lutte contre la vanité) ensuite à vouloir se purifier (lutte contre l'ignorance) pour enfin évoluer vers plus de compréhension (lutte contre l'inharmonie).
C'est vrai que tous les êtres ressentent d'une manière extrêmement inégale le poids des symboles. Ils ne sauraient tous en saisir d'une façon semblable l'harmonie dynamique qui élève l'esprit au-dessus des considérations physiques et matérielles.
L'introspection n'ouvre pas toutes les portes. Elle aide, c'est certain, au déclenchement de la prise de conscience, déclenchement qui semble se produire seulement lorsque l'être intérieur est prêt à en assumer la signification. La pratique de l'introspection n'est pas obligatoirement salutaire pour une progression harmonieuse car elle travaille surtout avec la mémoire comme outil dans le vaste laboratoire du passé. Il en résulte que l'introspection laisse de côté la puissance du futur.
Parfois, l'on pressent qu'il suffirait d'une légère secousse morale, mentale, psychologique, psychique, émotionnelle, spirituelle (les qualificatifs ne manquent pas) afin que l'Homme se tourne vers cet appel de la Connaissance et de l'Amour, tel le tournesol toujours orienté vers la lumière du soleil. Lentement, au gré des expériences qu'il subit et des réflexions qui en découlent, l'Homme porte toujours plus loin son regard de conscience. C'est pareil à un mur dont les pierres dégringolent au fur et à mesure que la conscience s'imprègne de vérités nouvelles. Tant et si bien que, lorsque la dernière pierre est dégagée, la vue s'étend alors jusqu'à un autre plus lointain.
Ce mur peut être assimilé, dans la vie courante, à un symbole ou à des mots dont la signification intime provoque une soudaine prise de conscience.
Vous est-il arrivé, une fois au cours de votre existence, d'entendre des paroles qui, bien qu'elles ne vous concernaient pas, semblaient tout de même vous être personnellement adressées ? Non pas de ces phrases coutumières, banales, que l'on se raconte à propos de tout et de rien, mais plutôt celles dont le sens assez philosophique vous pénètre instantanément et fait vibrer votre âme.
Certains mots vous accrochent et ne vous lâchent plus. Ils sont alors comme un aiguillon qui s'acharne à faire tressauter votre moi dans sa trop lente évolution. Sans doute que vous vous êtes préparé à cette phase régénératrice. Peut-être était-ce, volontairement ou non, une façon intellectuelle ou expérimentale, la nuit au cours d'un rêve, pendant un rêve conscient ou en méditation. Toutefois, vous n'aviez aucunement conscience du degré atteint jusqu'au jour pathétique où cette pensée sublime, suscitée par quelques mots, a jailli du tréfonds de votre océan intérieur.
C'est une pensée, longtemps ancrée dans le plus profond de votre être, prisonnière, bloquée en vous, mais virtuellement dynamique puisqu'elle émane du plan supérieur de la vie, qui se libère alors, non sans éclat d'ailleurs, de sa prison trop exiguë dont la porte s'ouvre soudainement vers plus de liberté. Cette pensée remonte des profondeurs de l'éternelle réalité et se présente là, devant votre raison qui, bien que critique, ne peut qu'en admettre sa haute valeur de vérité. Cette pensée, ou plutôt, cet état d'âme, vous transforme, vous éclaire, d'un subtil rayonnement intérieur. Vous arrivez à respirer la paix, votre visage exprime la sérénité.
L'instigatrice d'un pareil soulèvement d'émotions spirituelles ne serait-elle la vie elle-même parvenue à s'infiltrer dans une brèche de votre armure objective ? Quoi qu'il en soit, peut-être n'avez-vous jamais vécu une telle expérience psychique ! Oui ! Alors vous êtes compréhensif, et rempli d'indulgence aussi, car vous savez combien les mots sont bien trop impuissants pour décrire l'ineffable.
Ou bien non, hélas ! vous ne l'avez jamais vécue et c'est bien dommage ! C'est donc pour vous que je vais tenter de relater comment ont été entendus quelques mots et quelle en a été ma réaction lors de ma prise de conscience quand, réunis en une phrase percutante, ils m'ont saisi d'une manière si poignante.
Remarquez bien une chose. Que l'on désire ou non passer par ce type d'expériences n'apporte rien de plus quant à la possibilité d'en vivre une. La volonté n'y peut absolument rien. Cela vient au moment où l'on s'y attend le moins. Les écailles qui obstruent les yeux ne tombent pas toutes ensembles. Mais lors de la chute de l'une d'elles, un voile se déchire, une énergie se libère, une stupéfaction de joie secoue les neurones, la compréhension de la vérité s'affermit. C'est alors que s'amplifie l'harmonie avec toutes les choses, avec tous les êtres vivant, avec Dieu.
Que je transcrive une telle expérience sera utile principalement pour le chercheur en quête de repères de comparaison. Il doit être critique et ne pas se laisser leurrer par une vision purement imaginée qui n'émeut en rien le tréfonds de l'être.
Quelques lecteurs, plus au courant de la réalisation mystique, comprendront la raison pour laquelle les détails d'une expérience spirituelle ne peuvent tous être révélés.
Voici donc une expérience, déjà lointaine dans le temps, au cours de laquelle quelques mots ont eu dans ma conscience un impact tout aussi pénétrant que ce que l'on nomme la puissance du verbe. Notons simplement que la description qui suit est une expérience dont les caractéristiques essentielles sont : non volonté de la vivre, soudaineté, source extérieur à mon être, répercussion spirituelle durable.
Mais n'oublie pas que Dieu est amour
Je faisais des emplettes dans un quartier de Saint-Germain-des-Prés, à Paris, où l'on sait qu'une certaine faune estudiantine mène une existence dont les règles de vie s'opposent plus ou moins à ce qui est reconnu être conforme à l'éthique de la Société.
C'était au retour. Je me dirigeais d'un pas pressé vers la station de métro la plus proche. Devant moi, un couple d'étudiant que j'allais dépasser. De quoi parlaient-ils ? Je ne saurais le dire, tant mes pensées du moment étaient absorbées par les achats que je venais d'effectuer.
À peine avais-je dépassé ces deux personnes de quelques pas, que mon attention, ma conscience devrais-je dire, pourtant loin d'y être préparée en cet instant, saisissait cette affirmation, qui résonne encore dans ma tête comme une mise en garde ; "Mais n'oublie pas que Dieu est amour !"
Oh ! Que c'était exprimé avec sincérité !
Voudrais-je rapporter ici tout ce qui s'est passé en moi que je ne le pourrais. En un instant, j'ai vu des mains secourables se tendre vers des milliers de malheureux. Je sentais autour de moi des présences respirant la bonté. Je ressentais une impression d'intense amour pour tout ce qui vit. Un grand portail s'ouvrait sur un monde de compassion. Un bouton de rose s'épanouissait...
Bien vite, hélas ! la sage raison s'est ressaisie. Je constatai alors que je ne devais pas avoir parcouru plus de trois pas. Pourtant, ce que j'ai vécu mystiquement paraissait durer si longtemps ! C'est dire combien ce soulèvement du voile de la vérité n'a duré qu'un bref instant !
C'est alors que je désirais me retourner pour voir le visage de la personne capable de prononcer de telles paroles. Mais une autre force s'opposait à ma curiosité me poussant à définir la provenance exacte de ce que je venais d'entendre. Il me vint même à penser qu'il valait mieux que je l'eusse entendu d'une source ou d'une voix tout à fait ignorée quant à son appartenance, comme si elle m'avait été destinée en quelque lieu que je me fusse trouvé.
Je renonçais enfin à vouloir regarder en arrière.
Que cette fille et que ce garçon qui s'entretenaient de Dieu et de son amour, là, dans la rue, dans le bruit, parmi les passants inconnus qu'ils croisaient, que ces deux jeunes gens reçoivent, en remerciement, un rayon de ma modeste bonté.
"Mais n'oublie pas que Dieu est amour !" Dans le métro du retour, je méditais sur cette sentence spirituelle. Elle revenait sans cesse dans le champ de ma conscience objective. J'étais imprégné d'elle. Sa haute signification divine m'était peu à peu révélée. D'abord fugitivement, puis d'une manière de plus en plus précise et certaine au fur et à mesure que je réfléchissais. Je prenais conscience d'un suprême ordre doué d'une grande harmonie de la création, régie par l'amour, la bonté et le beau. Je comprenais que ces grands principes universels ne se sont pas encore imposés dans l'évolution terrestre. La laideur, le mal, la méchanceté n'existent qu'en tant que parcelles du bien non encore exprimé. Je me rendais compte, par cette déduction, que sa venue, tôt ou tard, est inéluctable.
Curieusement, cette expérience reçut une confirmation déroutante par le moyen, mais probante par le symbolisme. Il ne faut pas oublier que je venais de vivre une expérience qui modelait mes pensées, mes idées relatives à de nombreux domaines de la connaissance traditionnelle. Entre autres, ce fut le corps, la main précisément, qui venait me confirmer cette prépondérance du bien sur le mal. L'Homme peut commander aux esprits mauvais. "Ce qui nous est figuré par l'inégalité des cinq doigts de la main dont le doigt médius figure l'âme ; le pouce, l'esprit bon ; l'index, l'intellect bon ; les deux autres doigts figurent également l'esprit et l'intellect démoniaques." Trois doigts soutenus par le bien, contre deux doigts soutenus par le mal. Si la bataille semble inégale, elle sera longue, puisque le bien ne peut faire souffrir le mal. Net parallélisme avec ce qu'enseignait déjà le mazdéisme : Ormuzd, le principe bon, l'emportera sur Ahriman, le principe mauvais.
L'amour est présent à tous les degrés de la création. Il s'étale sous nos yeux sous toutes ses formes et apparences. C'est à nous qu'il importe de vouloir l'accepter au plus tôt comme une réalité possible et immédiate sur la Terre et en nous-mêmes. Puis, plus tard, un jour, alors que nous ne nous y attendrons pas, il nous illuminera par une autre de sa multiple facette. Une autre écaille tombera de devant nos yeux.
Je peux encore rajouter que ces mots ont déclenché en moi une énergie libératrice me faisant ainsi accéder à un niveau supérieur de compréhension. Il n'a pas été constant, dans ce sens qu'il n'est plus aussi intense que ce qu'il était quand je l'ai expérimenté. Mais il en reste suffisamment, au point de réellement sentir une différence entre avant et après. C'est-à-dire que, loin de me sentir dorénavant au-dessus de mes semblables, je puis seulement être plus compréhensif sur certains événements de ma vie. J'en accepte d'une façon plus sereine ce qui, pour les autres, pourrait paraître une injustice.
Évidemment, cela sous-entend que, avant l'intervention de cette expérience, je pratiquais le bien. Ne dit-on pas que les visages que nous regardons sont notre propre miroir ? J'essayais surtout de penser en bien. Je ne jugeais pas d'une manière catégorique. Dans le cours de mes conversations, j'aidais les malheureux, les pessimistes à prendre conscience de l'aspect positif d'eux-mêmes. Je leur faisais entrevoir cet espoir qui nous est si cher d'un lendemain meilleur, à la condition de rayonner des pensées opposées à celles qui créent les germes d'un monde de misère.
Je me suis développé lentement dans cette voie de l'amour. Sans doute ma route est-elle encore longue ! Toutefois, ce que je peux affirmer, c'est que lorsque ma conscience s'est ouverte sur ces mots-clé, avec toutes les conséquences spirituelles découlant d'une harmonieuse compréhension des lois intimes de la nature, tout un mur s'est écroulé : celui qui empêchait que la lumière de l'amour, sa plus universelle signification, ne parvienne jusqu'à mon cœur. À l'époque de cette expérience, je n'avais aucune idée sur la signification de l'amour universel. Tout comme ma conscience s'est élargie en s'imprégnant de ces mots : "Mais n'oublie pas que Dieu est amour !" Depuis lors, elle s'est encore plus ouverte sur l'extraordinaire à la suite de nouvelles expériences mystiques.
Avez-vous déjà vécu cet éclair de conscience par lequel l'objet de votre quête actuelle parvenue à une étape importante, possède désormais une réponse simple, limpide et si évidente que, par la suite, même les démonstrations les plus sournoises ou les plus autorisées, ne parviendront plus à démolir les fondements de votre certitude spirituelle ? Non pas à cause de ce que certains pourraient qualifier d'une conduite bornée, obtuse ou sectaire, mais tout simplement parce que, maintenant, vous savez. Et Dieu sait si une vérité spirituelle est source de tolérance !
Purification par le Verbe
Réaliser l'existence de Dieu en soi-même, c'est prendre conscience d'un état de vie supérieur à celui dans lequel l'Homme se morfond. Dès que l'esprit s'est orienté vers l'objectivation de cet idéal, il est amené à le définir selon le langage du cœur et de sa compréhension. L'explication de la raison suprême de la vie qui dépasse l'entendement humain, se transforme au grès des époques, du temps, des civilisations, des circonstances et de la propre évolution spirituelle des Hommes.
Le Tout est le créateur de tous les pouvoirs que l'Homme se découvre ou se donne. À mesure que se déploie sa conscience, il semble que la notion d'une puissance supérieure suive des méandres intellectuels assez mouvants, et fuyant sans cesse devant le désir d'accéder à la lumière souveraine. Les limites de Dieu paraissent tout d'abord circonscrites à telle force ou à telle qualité. Puis, même en approfondissant la science de l'univers, l'Homme se rend compte de son incapacité de le représenter dans sa globalité. Les nombreuses dénominations, quelles qu'elles soient, restreignent le sentiment d'un état de conscience indicible que l'intuition seule est susceptible de ressentir lorsqu'elle s'immerge dans l'Unité. "L'Homme ne connaît Dieu que par les noms qu'il donne à cet Être des êtres et ne le distingue que par les images qu'il essaie d'en tracer."
Une des méthodes d'approche peut s'effectuer par la volonté naturelle, inhérente à l'être, de s'élever jusqu'au degré de pureté transcendante que l'on soupçonne n'appartenir qu'à Dieu.
Puisque l'univers est vibrations, qu'il soit considéré dans sa manifestation physique comme dans celle psychique, il est possible de faire réagir, par harmonisation, des notes appartenant aux octaves du plan de la matière avec celles des octaves du plan de vie. Ce sont effectivement les vibrations qui relient le futur au passé. Par cette compréhension, on entrevoit déjà que la pratique, essentiellement psychique, sera de mettre en harmonie consciente les oppositions vibratoires de la création.
Nous avons vu que, si des mots entendus autour de soi, aident parfois à franchir une étape sur le sentier du chercheur, c'est une assistance qui reste malgré tout insuffisante, car son influence provient de l'extérieur de l'être. La volonté, le désir immédiat, n'y sont pour rien, si ce n'est lors de la préparation mentale et spirituelle ayant abouti à vivre une telle expérience.
Tout chercheur mystique engagé sur la voie de la réalisation apprend tôt ou tard l'emploi des mantras. Ce sont des paroles de force qui s'utilisent afin d'élever la moyenne fréquentielle de l'être ? C'est une technique, un outil dont la connaissance est indispensable pour progresser.
Le fameux Om hindou est suffisamment connu pour qu'il ne soit pas utile d'en approfondir la résonance psychique. C'est un vocable vraiment divin digne des plus grands éloges mystiques. L'antique et toujours actuel Om projette ses influences créatrices dans les trois plans : physique, mental et spirituel.
De nombreux mantras existent, qu'il est possible d'entonner pour réaliser des effets physiques, physiologiques et parfois mentaux. Toutefois, une action sur la conscience humaine afin de l'ouvrir comme un lotus (en extrême Orient) ou comme une rose (en Occident) est beaucoup plus improbable car difficile à acquérir. En effet, dans ce dernier cas, pour la prononciation judicieuse de Om, ainsi que de tous mantras utilisés en vue de l'accomplissement spirituel, il faut attendre l'initiateur qui ne se manifeste que lorsque l'élève est prêt.
Le mantra est une parole de force douée d'un pouvoir créateur. Un son initial aurait même été à l'origine de la Genèse du monde...
Tout être vivant possède sa note-racine qui réside parmi celles les plus sublimes du clavier cosmique. Elle est l'essence vibratoire divine de l'âme. Aussi l'Homme doit-il la rechercher, la découvrir et la pratiquer par la purification consciente de son être intérieur qui rend plus intense et aiguisée la perception de la vérité.
Au cours de son existence, et après avoir suffisamment intensifié ses efforts en vue d'obtenir plus de lumière sur la raison de son existence, il peut arriver qu'un mot ou une expression lui soit révélés. Cette parole permet à son esprit de se retirer du brouhaha du monde physique et de s'élever quand bon lui semble dans le sanctuaire de l'âme.
Une telle parole de vie est douée d'un pouvoir que l'on peut qualifier de magique alors qu'elle n'est que le résultat de l'application du son et de la parole dans la synthèse du verbe. La pratique du Verbe est une technique de purification et d'harmonisation afin de se mettre directement en résonance vibratoire avec son âme pour qu'elle lui insuffle des vérités sublimes proches de l'essence du Tout.
En effet, ce ne peut être Dieu qui doit descendre rénover tous les êtres qu'il a créés. Dieu est présent partout. Bien que caché au regard de l'Homme à cause de son brouillard psychique, même les manifestations de Dieu restent incompréhensibles à son regard spirituel. Il appartient à l'Homme lui-même d'accepter de se rénover, c'est-à-dire de se purifier en ne commettant plus d'erreurs ni de fautes afin de pouvoir s'élever vers Dieu.
Un mantra obtenu par révélation, donc transmis sans intermédiaire extérieur, par l'âme à la conscience objective, représente la synthèse vibratoire du point futur ultime vers lequel s'achemine l'Homme d'une façon généralement laborieuse et souvent par la souffrance. Il faut sans doute longtemps pour qu'il se révèle, mais qu'importe car, lorsqu'il resplendit dans le champ de conscience, que de bien en découle !
C'est la manifestation phonique du silence de Dieu qui se projette, par compassion individualisante de l'âme, dans le présent conscientiel.
Prononcer sa parole de vie, véritable actualisation de son point futur de réalisation, que personne, sinon son âme ne peut révéler, élève l'être au diapason de Dieu ou du Tout. Le corps se purifie par l'organe physiologique de la voix et l'esprit par l'organe psychique de la parole. Leur union harmonieuse intensifie la conscience humaine dans laquelle la conscience universelle peut maintenant se déverser par vagues de connaissance et flots d'amour. Tel est le Verbe dans sa consécration finale. Il permet à celui qui s'en est montré digne, par son existence totalement orientée vers le désir sincère de vivre présentement et dans l'immédiat, l'harmonisation avec l'œil divin.
La parole de vie élève à volonté la fréquence vibratoire du corps physique de l'Adepte. Il s'extrait de sa gangue de matière pour, dorénavant, vivre pleinement conscient de l'accomplissement de son futur qui est d'exister en toute conscience dans l'unité du Tout.
La conscience cosmique
L'idée que le futur est le guide déterminant du passé, incitant ce dernier à se conformer, lors de son présent évolutif dans la matière, aux événements concourant au but futur, devrait être, maintenant, pour le lecteur, une notion suffisamment probante. S'il en a admis la possibilité, compris le principe et assimilé la dynamique, peut-être aussi en a-t-il entrevu la finalité ! Que devient en effet l'Homme (l'être ou l'esprit) lorsqu'il réalise son extrême futur au cours de sa présente existence ?
Au niveau du simple mortel qu'est l'Homme, la conscience est déjà une bien mystérieuse faculté du Tout. Il la découvre bien émouvante aussi, surtout pour l'initié qui en savoure les révélations successives et progressives lors de son ascension vers la lumière. L'existence de la conscience est une manifestation intrinsèque du plan supérieur de la divinité ou de cette polarité dont nous avons vu qu'elle est la présence du Tout dans le cœur de toutes les créatures vivantes.
Au cours de ses méditations, l'Homme doit s'exercer par une analyse neutre, non passionnée, à connaître et à définir quel est, en réalité, cet observateur intime, caché dans le tréfonds de son être. Il observe alors qu'une merveilleuse structure, qui peut effectivement être qualifiée de divine, enregistre imperturbablement, d'une façon impartiale est en dehors de toutes sensations, les événements (actes, paroles et pensées) sur le fil du présent linéaire qui absorbe le futur pour, aussitôt, le rejeter dans le passé. Un tel exercice abouti immanquablement à la conscience. En insistant encore, il s'aperçoit, en définitive, qu'elle n'appartient pas à l'Homme. Elle lui est à la fois extérieure et intérieure, à la fois humaine et divine.
La conscience est le principe éternel de la présence du Tout. L'être vivant n'en est que le diaphragme photographique qui s'ouvre plus ou moins sur les phénomènes objectifs de l'existence au sein de la création. L'aspect positif de la vie, dont la lumière est la conscience universelle, peut difficilement faire l'objet d'une étude objective par l'être physique qui en est l'expression négative, son opposé.
On peut se demander ce qui se passe lorsque l'initié, devenu Adepte, ouvre entièrement son esprit à la suprême conscience. Rappelons qu'un grand initié passé, Bouddha, n'a pas jugé utile de transmettre à ses disciples des explications sur le nirvana (conscience cosmique ou universelle) aussi approfondies que celles qu'il a dévoilées pour l'analyse de l'esprit.
La conscience universelle ne paraît pas explicable en termes objectifs. Il est évident qu'elle est trop au-delà de la raison et de l'imagination. Toutefois, depuis la transition de Bouddha dans le sein de Brahmâ, en l'an 453 avant notre ère, des Hommes ont eu le courage et la persévérance de s'élever jusqu'à l'expérience de la conscience cosmique. Ils ont tenté, avec plus ou moins de bonheur, de communiquer ce qu'ils ont vécu. Et même avec des mots humains, leurs descriptions de la conscience cosmique nous laissent à penser que c'est un état supérieur de la vie, réellement prodigieux. Plus simplement dit, la conscience est l'essence de la vie. Il s'ensuit que l'on ne peut comparer la conscience universelle, encore moins celle cosmique, avec un quelconque événement, ou avec quelque état mental ou psychique connu dans la création vivante.
Essayons, malgré tout, de cerner ce summum hautement divin de la vie, par diverses opinions d'approches, non exhaustives, d'ailleurs.
- Exaltation des sens. Les sens sont soumis à un intense bonheur, à une joie radieuse. Les facultés, exacerbées, dépassent leur capacité d'analyse de cette situation qui les transcende. Les trois particularités de l'être humain, le corps, l'esprit et l'âme, sont glorifiées, harmonisées dans un flamboiement de lumière dévoilant le but de l'utilisation des sens.
- Incommunicabilité de l'expérience. La conscience objective ou essentielle de l'être, qui est une conséquence de la création, ne peut expliquer la conscience universelle qui, elle, est hors création. Le Tout se compose de combinaisons tellement infinies, en une vaste synthèse puisqu'il englobe tous les temps et tous les espaces, que l'esprit ne peut en saisir que ce qui se trouve dans la sphère immédiate de son intellect et de ses connaissances passées.
- Reconditionnement de l'être humain. Les cellules du corps intensifient leur rayonnement individuel conscientiel. Si, auparavant, les facultés de la puissance vitale n'étaient utilisées, comme cela paraît être le cas pour tous les Hommes, qu'à raison de dix à quinze pour cent de leur potentialité, la possibilité d'utilisation de la puissance de la vie s'épanouira progressivement jusqu'à atteindre un pourcentage beaucoup plus élevé pouvant aller jusqu'à soixante à soixante-dix pour cent de leur capacité divine, ce qui, pour un être vivant, pourrait bien l'assimiler à un Dieu.
- Omniscience. Un sentiment de connaissance absolu s'insère dans la conscience de l'être. Son panorama unitaire de la création lui en montre la Genèse, lui transmet la compréhension de sa raison d'exister et lui dévoile son propre avenir. C'est alors qu'est révélée à l'Initié la preuve la plus extraordinaire par laquelle l'âme, contraction vivante du Tout, est une pensée d'Amour de Dieu.
- Béatitude extatique. Comme tout mouvement physique est aboli dans l'univers divin, l'Homme est "happé" dans le Tout immuable, dans son ineffable unité. Vivant ainsi son but dans l'éternelle illumination, il prend la décision qui lui paraît la meilleure pour répandre la sagesse qu'il vient d'acquérir. Soit, sa compassion s'exprimera ici, sur la Terre. Dans ce cas, il reviendra comme Avatar. Soit, il s'élancera vers des univers où la présence d'un tel être profitera à quelques humanités retardataires sur le chemin de l'évolution consciente.
- Éternité de l'âme. Cette élévation dans la source de la lumière divine lui fait resplendir la vérité de l'éternité de l'évolution, que ce soit la sienne propre ou celle de la vie ou de la création. C'est une éternité sans limites concevables. Son âme étant elle-même le Tout, il la sait dorénavant éternelle tout en sachant d'où elle vient et où elle va. Peu lui importent ensuite les modifications des enveloppes corporelles qu'elle empruntera ici sur la Terre ou ailleurs sur d'autres plans d'existence. Il sait que ce ne sont que des vêtements temporaires.
- Réintégration dans le Tout. L'âme prend conscience qu'elle est une pensée vivante du Tout. Son immersion dans l'Unique résorbe toute objectivation résultant du plan physique. L'être ne devient plus que vie, même quand il revêt un habit pour apporter son aide anonymement en quelque lieu que ce soit. Il réalise l'illusion de la matière puisqu'il est la Vie dans la Vérité du Verbe. Il est dorénavant Fils de Dieu.