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Écouter pour soi, parler pour les autres

Écouter pour soi, parler pour les autres
« L’énergie, c’est le temps utilisé » - Anonyme
 
Le travail sur soi demande une grande quantité d’effort et d’énergie, mais malheureusement nous passons la majorité de notre temps à gaspiller cette dernière.
« Ce n’est pas que nous disposions de très peu de temps, nous rappelle Sénèque, c’est plutôt que nous en perdons beaucoup. La vie est suffisamment longue et elle nous a été accordée avec une générosité qui nous permet d’accomplir de très grandes choses, à condition toutefois que nous en fassions toujours bon usage. »[1]
Il faut prendre conscience de tout ce que notre supposée « raison » nous fait entreprendre si futilement. « Ainsi en est-il : la vie qui nous échoit n’est pas brève, nous la rendons brève; elle ne nous fait pas défaut, nous la gaspillons. », continue Sénèque.
 

Tant de vaines pensées automatiques

Nous perdons une quantité considérable d’énergie à penser aux « tantôt » et aux « tantôt », c’est-à-dire à ce qui va (théoriquement) se passer, ainsi qu’à ce qui s’est déjà passé. Tout en ressassant sans cesse le passé d’il y a cinq minutes tout aussi bien que celui d’il y a plusieurs années, nous entretenons, en plus, d’innombrables conversations avec le possible futur. Pure fantaisie.
 
En effet, nous pensons sans cesse à ce que nous allons dire aux gens, à l’attitude que nous aurons ou que nous devrions avoir, exactement comme si nous savions l’attitude qu’eux auront et ce qu’ils nous diront. Nous projetons vainement. Générant d’innombrables scénarios, notre organe pensif (tout notre être) dévale à toute allure la montagne de ses propres suppositions jusqu’à la réalité qui, avouons-le, est rarement celle que nous avions imaginée. Énergie gaspillée.
De plus, parmi tous ces scénarios « théoriquement possibles », s’imbriquent, s’ajoutent ceux des fantaisies que nous entretenons secrètement (régulièrement à notre insu) concernant les événements passés : le syndrome du « j’aurais donc dû ». Combien de rêves éveillés faisons-nous en réécrivant mentalement – par pure fantaisie – certains événements de la journée, voire de notre vie, et ce, en l’espace de seulement quelques secondes ? Tout simplement trop.
 
Est-ce qu’une seule de toutes ces vaines pensées en valait l’énergie dépensée puisque des premières, rien ne peut être prévu de ce qui est à venir et des secondes, rien ne peut être modifié du passé? La réponse réside, évidemment, à même la question.
 
Mais si ce n’était que ça. Car à ces dernières vaines pensées automatiques, totalement hors de notre contrôle, s’ajoutent évidemment les « day dreams », les rêves éveillés qui, eux, sont totalement détachés du temps : passé, présent et futur. Loufoque imaginaire qui se croit utile, à nous faire fantasmer autant des meilleurs succès flatteurs d’ego que des pires situations lorsque la peur, l’envie ou le regret nous prend par la main.
 
Que dire aussi des ces refrains qui jouent interminablement, tel un CD qui saute, dans notre discothèque mentale ? Combien difficile, sinon impossible, de s’en débarrasser et quelle horreur lorsque quelqu’un d’autre, fredonnant sans cesse la même mesure, nous la « met dans la tête ». Nous avons décidément une l’énergie mentale qui a du temps à perdre !
 
Ceci nous rappelle les paroles d’Ouspensky :
« En dehors de ces fonctions motrices normales, il existe aussi d’étranges fonctions motrices qui représentent le travail inutile de la machine humaine ; travail non prévu par la nature mais qui occupe une très large place dans la vie de l’homme et consomme une grande part de son énergie. Ce sont la formation des rêves, l’imagination, la rêverie, le fait de se parler à soi-même ou de parler pour parler et, d’une façon générale, toutes les manifestations incontrôlées et incontrôlables. » [2]
 

Mais il n’y a pas que ce que nous pensons, il y a aussi ce que nous faisons

Chaque « tic nerveux », chaque geste qui ne mène à rien ne résulte qu’en une perte d’énergie (considérable étant donné leur fréquence). Vernon disait : « Au mâcheur de gomme, je dirai ceci : il y a d’autres choses à faire avec cette énergie » ! Mais même lorsque nous ne bougeons pas, nombre de tensions physiques sont présentes. Involontaires, certes, et de ce fait inutiles.
 
Voici ce que Gurdjieff en dit :
« Asseyez-vous comme je suis assis, serrez vos poings aussi fortement que vous le pouvez et essayez de ne contracter que les muscles de vos poings. Vous voyez, chacun le fait différemment. L’un a contracté ses jambes, un autre son dos. [...] Vous dépensez beaucoup de force sans nécessité, non seulement lorsque vous travaillez, mais même lorsque vous ne faites rien. [...] En économisant son énergie et en apprenant comment la dépenser, un homme peut devenir cent fois plus fort qu’un athlète. [...] Il en est de même pour tout. L’économie peut être pratiquée aussi dans le domaine psychique et dans le domaine moral. » [3]
 
Être à l’affut de chacun de nos mouvements, de chacune des tensions musculaires n’est pas chose aisée, le corps ayant une identité propre, un centre de pensée qui ne soit que purement physique et qui n’ait que faire du reste. C’est d’ailleurs celui-ci qui, selon Ouspensky, serait à l’origine des mouvements chaotiques de nos centres intellectuels et émotionnels.
 
D’une façon plus insidieuse, moins remarquable, sans le rappel de soi tout mouvement inutile de notre psyché résulte aussi invariablement en une perte d’énergie. Par exemple, se parler à soi-même. S’il est une action qui soit des plus inutiles énergétiquement, celle-ci est une des candidates favorites. N’avons-nous pas déjà émis l’idée ? Les mots ne se sont-ils pas déjà formés dans notre esprit au point que nous savons ce que nous pensons avant même d’inutilement les prononcer à haute voix ? Même les exclamations courtes telles que « merde ! », « ouch ! », etc., sont une perte de temps et d’énergie. Nous aurions consacré cette surcharge d’énergie à penser corriger la situation présente que nous serions déjà plus avancés, voire que la situation serait déjà corrigée.
 
Qui plus est, raconter nos « histoires », notre vécu, inlassablement, ne nous apporte absolument rien, pas même à notre auditoire. On nous dit régulièrement que de « vider son sac » « fait du bien ». C’est simplement que nous avons un surplus énergétique et, plutôt que d’en faire quelque chose de valable, nous le gaspillons en paroles inutiles.
 
Corollairement, on nous apprend qu’avoir une oreille attentive est une vertu. Certes, il y a certains moments où il nous est indispensable d’obtenir un point de vue externe à notre problématique personnelle – quelle qu’elle soit – car notre psyché « tourne en rond » et nous cherchons conseil et aide. Mais ce dont il est question ici, ce sont toutes ces discussions anodines à la « j’ai fait ceci, j’ai vu cela, j’ai mangé ceci, j’ai rencontré un tel, je lui ai dit ceci, il m’a dit cela », etc. Les associations internes générées par les événements quotidiens sont la nourriture destinée à l’esprit de celui qui les vit parce que l’expérience n’est jamais transmissible entièrement puisqu’elle se doit d’être vécue. Alors, si nous utilisons toute notre énergie à raconter ces événements quotidiens jusque dans les détails les plus futiles, et ce, maintes fois, quelle énergie nous reste-t-il afin de digérer et traiter ces associations mentales personnelles ? Elles finiront par être insipides et indigestes tant pour nous-mêmes que pour les autres. Et pour cause.
 

Écouter pour soi, parler pour les autres

Voilà un concept pratiquement absent de nos conversations quotidiennes. On ne nous a jamais enseigné en ce sens, bien au contraire. En effet, nous agissons toujours à l’inverse : nous parlons pour nous-mêmes, pour nous raconter, sachant bien intérieurement que dans la majeure partie des cas notre auditoire n’en retirera rien qui vaille pour son propre avancement. De la même façon, nous écoutons habituellement pour les autres et non pour nous-même (la patience n’étant une vertu que lorsqu’utilisée convenablement). La dynamique générale des dialogues va à l’encontre d’une évolution personnelle des deux parties. L’un parle futilement pour lui-même et l’autre écoute passivement pour le locuteur. De cette façon, les deux parties gaspillent leur énergie. Ceci mène directement à une forme insidieuse de prédation énergétique puisque le scénario se déroulera ensuite à sens inverse et avec d’autres intervenants, multipliant ainsi les pertes énergétiques de tout un chacun.
 
Écouter pour soi et parler pour les autres est une pratique hautement bénéfique car l’énergie est ici utilisée à bon escient : pour l’enseignement et la compréhension. L’énergie bien canalisée du locuteur en vue de l’enrichissement de son auditoire, couplée à l’écoute active de celle-ci, permet la transmission d’informations et de connaissances pour le bien de tous. Il n’y a ici aucune perte. Nous pourrions même parler de synergie dans le cas d’un auditoire de plus d’une personne, car la même énergie bien utilisée par le locuteur servira au développement de plusieurs.
 
De plus, cette pratique en est une qui se jumelle parfaitement à celle du rappel de soi. Elles sont en réalité complémentaires en ce sens que l’une apporte des informations importantes et l’autre, l’énergie nécessaire au travail sur soi. En effet, le rappel de soi permettra d’identifier les instants où nous nous trouvons dans une dynamique de perte d’énergie, nous donnant ainsi l’habileté de s’en soustraire. De son côté, la pratique d’une écoute active et d’un discours pertinent permettra l’accumulation d’énergie pour le rappel de soi de plus en plus juste et productif. De cette façon, nous obtenons deux pratiques colinéaires, s’aidant l’une l’autre et travaillant pour un but commun : l’éveil de la conscience.
 
- Webmestre Zone-7
 
[1] Extraits de Sénèque, De la brièveté de la vie, 1988, Éditions Rivages, ISBN : 2-86930-484-6
 
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