Des trésors, il s'en est dissimulé un peu partout : dans les jardins, les caves, les murs, derrière les plaques de cheminée, sous les lames de parquet et en bien d'autres endroits plus incongrus encore. Dans l'Histoire, ce sont toujours les guerres, les famines ou les révolutions qui ont poussé les gens les plus fortunés à dissimuler – souvent en déployant beaucoup d'ingéniosité – ce qu'ils avaient de plus précieux. C'est ainsi qu'en Europe et surtout en France – pays coutumier des grandes convulsions politiques – dorment d'innombrables trésors. Le chercheur Didier Audinot a sélectionné quarante trésors historiquement avérés et qui restent à découvrir. Voici les vingt premiers.
Après avoir ravagé la Gaule et l'Italie, Attila, le roi des Huns, trouva la mort accidentellement en 453, au soir de ses noces. Son armée campait alors près de Csépa, une ville située dans l'actuelle Hongrie. Enfouie sous un tertre, la royale dépouille fut déposée dans un cercueil d'or et entourée d'une foule d'objets précieux : les couronnes des rois vaincus, les trésors des palais et cathédrales pillés par les Huns, les bâtons de jade arrachés à des souverains asiatiques et les épées des chefs germains défaits. D'après les historiens, le tumulus se trouve quelque part dans la plaine, au sud de Csépa, entre cette ville et celle de Csongràd.
En 507, le roi wisigoth Alaric II fut tué par Clovis à la bataille de Vouillé. Ses soldats rapportèrent sa dépouille dans le Razès, près de Capendu. Les funérailles furent organisées dans une crypte secrète située sous le mont Alaric. Les trésors déposés dans la sépulture du roi sont toujours âprement recherchés...
Dans son Histoire des Francs, l'historien Grégoire de Tours (538-594) raconte que Lupicin avait découvert au Jura un mystérieux trésor où il allait puiser régulièrement or et argent pour subvenir aux besoins de sa petite communauté monastique. Il se rendait toujours seul dans cette cachette, affirmant que le doigt de Dieu lui en avait dévoilé l'existence. Il est admis aujourd'hui que Lupicin avait en fait découvert un trésor caché au temps des grandes invasions dans l'une des nombreuses grottes du flanc nord de la montagne dominant Saint-Claude. Peut-être dans celle dite « des Foules »...
C'est encore l'historien Grégoire de Tours qui révèle que la cruelle reine mérovingienne Frédégonde (545-597), qui possédait un palais maintenant disparu en forêt de Brotonne, y avait fait aménager dans les taillis une crypte secrète, dans laquelle tous ses trésors furent entassés. Cette salle n'a jamais été retrouvée bien que l'on sache approximativement où se situait le fameux palais.
En 1199, Richard Coeur de Lion, toi d'Angleterre, qui possédait d'importants fiefs en France, apprit qu'un retable en or massif avait été découvert sur ses terres de Châlus. Du point de vue du droit féodal, ce trésor lui revenait. Pour le récupérer, il dut mettre le siège devant la cité... siège au cours duquel il fut tué par une flèche perdue. En représailles, la ville de Châlus fut mise à sac. Le retable, lui, resta introuvable. Il serait caché dans les souterrains de la forteresse ou dans les ruines du château voisin.
En 1931, un radiesthésiste localisa une énorme masse de métaux précieux enfouie dans les galeries souterraines situées près de l'auberge du Noir-Pignon. Ce trésor serait celui de l'abbaye voisine de Cysoing. Mais l'entrée des galeries n'a jamais été retrouvée...
Une tradition orale veut qu'en 1307, sachant son arrestation imminente, Jacques de Molay, le dernier Grand Maître de l'Ordre du Temple, ait confié le trésor et les archives des Templiers à son neveu, Guichard de Beaujeu. Ce dernier aurait évacué le tout vers son château d'Arginy, près de Charentay. Le trésor aurait été dissimulé dans une salle située aux confins d'un dédale de souterrains. On raconte que la vieille forteresse, maintenant complètement ruinée, est le théâtre de spectaculaires manifestations de fantômes.
En 1305, Bertrand de Got devient pape sous le nom de Clément V. Il mourut à Villandraut le 20 avril 1314. La croyance veut qu'il ait été victime, comme Philippe le Bel, mort le 29 novembre de la même année, de la malédiction lancée par Jacques de Molay depuis son bûcher, le 18 mars 1314, sur le parvis de Notre-Dame : « Je vous assigne tous les deux au tribunal de Dieu ! Toi, Clément, à quarante jours, toi, Philippe, dans l'année ! ». L'analyse du testament de 1312 révèle l'existence d'un magot de 600 000 florins d'or – que l'on ne retrouve pas dans sa succession et qu'il aurait donc détourné de la trésorerie des Etats pontificaux. Ce magot est certainement encore muré dans quelque pièce secrète du château de Villandraut, bâti sur un ensemble de souterrains.
Juin 1340 : Edouard III, roi d'Angleterre, livre contre les Français la bataille navale dite « de l'écluse ». Sûr de lui, il n'hésite pas à envoyer en première ligne le navire contenant le trésor royal. En fait, ce fut une cuisante défaite. En quelques minutes, les boulets français envoyèrent l'esquif par le fond, dans les sables du lit du Zwin, où il repose encore...
Le 10 septembre 1356, battu par les anglais à Poitiers, le roi de France Jean le Bon est fait prisonnier. Au soir du combat, les soldats en charge de son trésor l'enfouirent dans le bois « de Nouaillé ».
Quatre trésors ont été enfouis à différentes époques de l'histoire autour de l'abbaye ruinée de Jumièges (Seine-Maritime). D'abord une statue en or représentant Saint Philbert ; elle serait enterrée près de l'if du cloître, qui existe encore aujourd'hui.
Le second trésor est composé de pièces d'or provenant de la rançon que les Anglais avaient exigée contre la libération de Jean le Bon, capturé à Poitiers en 1356. Apprenant la mort du roi, les moines auraient enterré ce dépôt dans les grottes « des Trous-Fumeux » ou des « Trous-de-Fer ».
Le troisième trésor est constitué des cloches de Jumièges, enterrés par les moines durant la Révolution, près de l'abbaye, au lieu-dit « Fosse-Piquet ».
Enfin, on recherche toujours la cassette de bijoux d'Agnès Sorel (1422-1450), favorite de Charles VII. Craignant d'être assassinée, elle l'aurait murée quelque part dans le château du Mesnil-sous-Jumièges...
En 1409, Jean de Montagu, qui avait été secrétaire de Charles V puis chambellan de Charles VI, était injustement condamné pour prévarication et exécuté à Paris. Il avoua sous la torture avoir caché toute sa fortune – des milliers de livres en or – dans son château de Marcoussis, de nos jours en ruines. Cette forteresse possède d'importantes parties souterraines.
Plus tard, durant la Fronde, on prétendit qu'elles avaient été utilisées pour mettre à l'abri le mobilier royal évacué de Paris. Montagu possédait tout près de là, à Villeconin, deux autres châteaux qui mériteraient aussi d'être explorés...
L'épée de Jeanne la Pucelle (1412-1431), celle que des voix lui firent découvrir sous l'autel de la petite chapelle de Saint-Etienne-de-Fierbois, est un objet hautement symbolique. Cette belle arme, marquée de cinq croix, la suivit dans toutes ses campagnes. Jeanne la cassa en frappant de son plat des prostituées qui suivaient son armée et la déshonoraient. Au cours de son procès, elle ne voulut jamais révéler où elle avait caché cette épée. Cette arme, devenue inutilisable, a vraisemblablement été confiée au monastère de Notre-Dame-des-Ardents (Lagny-sur-Marne), où la Pucelle séjourna en mars 1430. L'église existe toujours. Selon l'historien Marcel Pouzol, l'épée serait scellée derrière l'un des piliers ou l'un des murs de la chapelle où Jeanne priait.
Bien qu'il ait été l'un des compagnons de chevauchée de Jeanne d'Arc, Gilles de Rais (1400-1440), l'un des plus grands seigneurs du royaume, finit sur le bûcher en 1440... accusé d'avoir violé et tué plus de 140 enfants et adolescents. Son trésor en liquidités, resté introuvable, serait dissimulé dans l'une des nombreuses cryptes secrètes de son château de Tiffauges.
C’est parce qu’il rêvait de devenir pape que le chancelier du Prat, espérant pouvoir acheter son élection, avait accumulé dans un caveau secret de son château de Nantouillet quelque 400 000 écus cachés dans des tonneaux. La révélation à François 1er de l’existence de cette fortune le rendit suspect et fut cause de sa disgrâce. Il mourut en 1535 dans son château, que le roi investit aussitôt pour y rechercher lui-même le fameux caveau secret. Tous les biens du chancelier du Prat furent saisis, mais le trésor resta introuvable. Le château de Nantouillet, belle demeure Renaissance, repose sur un système complexe de souterrain… où, sans doute, dorment les fameux tonneaux d’or.
Charroux était au Moyen-Âge une ville très prospère, enrichie en particulier par les nombreux trésors que Charlemagne avait légués à son abbaye. Un inventaire précis démontre que la fondation possédait 71 reliquaires très précieux. En 1569, elle fut mise à sac par les protestants de l'amiral Coligny. Une légende s'est propagée sur place selon laquelle ces merveilles d'orfèvrerie médiévale avaient été cachées et murées par les moines en maints endroits de l'abbaye. En 1856, un maçon qui réparait une vieille voûte eut la surprise de trouver dans le mur trois extraordinaires reliquaires d'or et d'argent dont l'un, un très beau tryptique, contenait le Saint Prépuce. Les trésors de Charroux ne sont donc pas du domaine de la fiction et il est probable que plus de 60 autres pièces, tout aussi prestigieuses, restent à découvrir...
En 1661, le village de Falvy fut envahi par les Espagnols, qui y commirent de nombreuses déprédations. Comme l’indique une inscription gravée en haut d’un des murs de l’église – « en l’an de grace 1661, la grosse cloche de Falvi a été vasé » (orthographe d’époque) –, les habitants avaient immergé la grosse cloche dans l’étang voisin. La tradition raconte qu’on entend encore tinter la mystérieuse cloche…
C’est vers 1750 qu’un inconnu, peut-être un moine, cache dans le mur extérieur de le vieille abbaye de Saint-Wandrille, vers la chapelle Saint-Saturnin, trois pots de terre contenant en tout 500 pièces d’or d’une grande rareté. Il marqua chaque cache d’un signe particulier.
En 1954, des scouts qui jouaient à « la chasse aux trésors », descellèrent les pierres marquées et découvrirent les magots. Et il se pourrait qu’il y ait encore des trésors à Sainte-Wandrille. En 1990, un mystérieux chercheur laissait derrière lui, près du même mur, un trou ; on pouvait supposer qu’il avait déterré quelque chose. D’autres caches doivent se trouver dans les profondes carrières souterraines situées près de l’abbaye.
Le célèbre bandit Mandrin (1725-1755) s’était attaché à piller systématiquement les biens et le numéraire des Fermes générales. Itinérant, il avait pris l’habitude de cacher ses butins dans des endroits qu’il nommait « ses coffres-forts ». Plusieurs d’entre eux ont été localisés. Ainsi, une cassette serait encore enterrée dans le jardin de sa maison natale à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs (Isère). À Verel-de-Montbel (Savoie), il fora une cache dans les hautes roches qui entourent le village. Là, il glissa une bourse remplie de pierres précieuses. Il enterra 25 000 livres en or en pleine forêt du Vercors, près d’un ancien « Camp de César » où le bandit aimait à prendre ses quartiers. Lors de sa dernière chevauchée, il fut contraint de dissimuler, à une lieue au-dessus d’Ambert (Puy-de-Dôme), le précieux chargement de quatre de ses chevaux qui, exténués, ralentissaient sa course. Enfin, on parle aussi de caches aménagées, en Savoie, dans le vieux château de Rochefort où il fut capturé en 1755… avant d’être exécuté.
Le duc de Richelieu, descendant du célèbre cardinal, a vendu en 1773 à la famille Le Godinec de Traissan, le magnifique château de la Roche-Jagu. Aujourd’hui, il se dresse encore fièrement au bord de la rivière Trieux.
L’acte de vente comportait une clause qui continue d’intriguer les chercheurs de trésors comme les historiens : « Il ne sera fait aucune tentative pour déboucher les portes des souterrains afin d’y descendre et d’y dévoiler le mystère qui les environne ». Pourquoi une telle recommandation ? Que recèlent donc ces cavités toujours murées ? Le mystère demeure entier…
Source : Facteur X n°27 (magazine publié entre 1997 et 2000)
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